LE PAVILLON ROUGE DES ARTS HONG KONG
藝術紅亭子(香港)
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"60TH PARALLEL SOUTH: TOWARDS ANTARCTICA" | EXPOSITION PHOTO | 2019
HONG KONG
CLIP
Cette première exposition à Hong Kong de Jonas Lam montre une sélection de photographies prises lors de deux voyages en voilier dans la zone Antarctique, en 2016 et 2018. Elle fait suite à l'exposition "Latitudes", organisée à la Cité internationale universitaire de Paris en 2017 en collaboration avec le photographe suédois Christophe Laurentin et à une exposition solo organisée au café Strada à Paris.
PHOTOGRAPHE: JONAS LAM
Né en 1969, Jonas Lam est un photographe français aux origines cubaines, suédoises et chinoises. Comme son père, le grand peintre cubain Wifredo Lam, c’est au contact d’une nature démesurée que son style d’expression picturale s’est développé. A vingt ans, après quelques années passées en Suisse, il part étudier les Beaux-Arts et la Photographie à l’Université Concordia, à Montréal (Canada). Il s’intéresse aux paysages et aux nature-mortes, photographiant des mises en scène surréalistes composées d’organes d’animaux ou de souches d’arbres du grand ouest canadien. Ses projets sont surtout inspirés des grands espaces: Ile de Vancouver, forêts du Québec, nord de la Suède, Islande, Cap Nord, Patagonie.
En 2015 naît l’idée d’une expédition vers une contrée encore plus inhospitalière: l’Antarctique.
“J’ai voulu aborder l’Antarctique. Un ami m’a parlé de Skip Novak, qui organisait des voyages sur son bateau le « Pelagic Australis », un voilier de 23 mètres spécialement conçu pour les régions arctiques. Je l’ai contacté. J’avais fait un peu de voile déjà, étant adolescent, sur la côte Atlantique de la France, et près de Stockholm, en Suède, mais sans plus. Cela m’a toujours fasciné, les traversées en voilier. Mais l’idée de traverser le passage de Drake, le mythique Cap Horn, me terrifiait aussi. Nous sommes partis en février 2016, après un an de préparation. Nous étions une équipe de 10 personnes et j’étais le moins expérimenté.”
INFORMATIONS
Période: 22-26 mars 2019
Horaires: Tous les jours 11h-19h (le vendredi jusqu'au 21h)
Evénements: le vendredi 22 mars, 19h-21h: Cocktail de vernissage
le dimanche 24 mars, 16h-17h: Rencontre avec Jonas Lam
le mardi 26 mars, 18h-20h: Cocktail de clôture
Lieu: Usagi Gallery, G/F, Wah Shin House, 6-10 Shin Hing Street, Central, Hong Kong
(Clicker pour l'indication de Google map)
LES DEUX VOYAGES
Premier voyage
Départ à bord du « Pelagic Australis » à partir de Puerto Williams, à la pointe du Chili, en Patagonie, pour la première traversée du passage de Drake, là où trois océans se croisent et où les vents peuvent être particulièrement violents. La traversée se passe bien et les craintes sont vite dissipées au fil des eaux denses de l’Antarctique. Le quatrième jour, le voilier mouille l'ancre aux abords de ce très vieux volcan qu'est l’île de la Déception, dans la Baie des Baleiniers.
« L’Ile Decepción est l’un des plus extraordinaires caprices de la nature antarctique », écrivait l'écrivain chilien Francisco Coloane, dans Le Sillage de la Baleine. “Elle est formée par le cratère d’un volcan endormi, ouvert en un seul endroit par une brèche colossale où la mer s’est engouffrée entre deux murailles, formant à l’intérieur une baie où pourrait mouiller la plus grande flotte du monde”.
Mais l’île de la Déception porte aussi l’histoire de l'un des lieux de chasse à la baleine les plus importants des 18e et 19e siècles, où persiste le souvenir du massacre d’innombrables cachalots. Aujourd'hui île désolée, il subsiste ça et là sur les plages des vestiges rouillés des anciennes stations baleinières où étaient disloqués les corps de ces impressionnantes créatures marines: “Après que furent tranchées plusieurs bandes de lard sur le dos de la baleine, un cable au bout d’un cabestan les souleva jusqu’à la queue comme on pèle une banane. La chair offrait le spectacle d’une monstrueuse blessure exposée à l’air libre” écrit Coloane en décrivant l’intensive industrie baleiniere qui était installée sur l’Ile jusqu’aux années 1930.
"On a débarqué dans un paysage lunaire. Un sable noir. Un lieu non pas ravagé mais laissé à l’abandon. Des épaves rouillées, laissées en plan sur le rivage… Carcasses de baleiniers, fûts rouillés, anciennes habitations abandonnées, usées par le temps… Devant nous s’étendait une sorte de champ au sol grisâtre jonché de vieilles planches rappelant les os de tous ces cachalots éventrés sur l’île." Tous ces vestiges rouillés abandonnés sur les plages de l'Ile de la Deception sont les témoins industriels de cette monstrueuse blessure faite à une nature sauvage.
Le voyage s'est poursuivi vers Cuverville Island, Paradise Cove et Port Lockroy. Dans un silence quasi absolu, où résonnait soudain l'écho enveloppant d'énormes blocs de glace craquant et tombant dans la mer, le voilier a navigué entre des icebergs aux formes étonnement géométriques. Il a ensuite atteint Pleneau Island, où s’étalait une multitude d’épaves de glace flottantes : cimetière d'icebergs emportés là par le courant et restés captifs d’une marée basse.
L'équipe a navigué jusqu'à la péninsule antarctique, traversant Lemaire Channel et Girard Bay pour atteindre Cape Tuxen, puis les îles Argentine, là où se trouve la base scientifique ukrainienne de Vernadsky, où fut découvert le problème du trou dans la couche d’ozone. "Dans cet environnement enveloppé de brume, où vivent en autarcie une douzaine de scientifiques, régnait un calme impressionnant. On se croyait vraiment au bout du monde."
Deuxième voyage
Le deuxième voyage a commencé deux ans plus tard, en septembre 2018. « La traversée a été plus éprouvante que la première, à cause des conditions météorologiques. Nous sommes partis de Port Stanley, aux îles Malouines, pour 5 jours en haute mer afin de rejoindre l'ile de Georgie du sud. L’endroit le plus impressionnant était Larsen Harbour, situé à l'extrémité sud-est de l'île, avec ses flancs de montagnes abrupts. Nous avons pu y accéder grâce au fait que nous étions en voilier, le passage étant trop étroit pour un navire de croisière.Les conditions météorologiques nous ont souvent forcés à nous réfugier dans des baies protégées, comme King Edward Point et Grytviken, dans Cumberland East Bay."
A King Edward Point se trouve la base scientifique et les douanes officielles. A part les touristes, il reste peu d'habitants sur l'île de Georgie du sud. L'officier de douane qui accueille les visiteurs est aussi agent de police et juge. Elle explique que l'île ne permet l'entrée que d'un nombre limité de visiteurs, principalement pour des raisons de préservation de l’environnement, mais aussi pour des raisons beaucoup plus pragmatiques: l'île étant éloignée de tout et ne disposant que de 500 sacs mortuaires pour rapatrier les corps en cas de catastrophe maritime, elle ne peut gérer plus de 500 visiteurs à la fois...
En face de King Edward Point, la station de Grytviken, qui a été le plus grand centre d'abattage des baleines jusqu'en 1966. C'est là qu'est enterré le célèbre explorateur britannique Sir Ernest Shackelton, admiré pour avoir réussi à survivre dans des conditions extrêmes au cours de son expédition avortée vers le Pôle Sud. Shackelton avait réussi l'exploit de traverser l'Ile à pied, en compagnie de deux de ses hommes d'équipage, afin de lancer une opération de sauvetage pour l'équipage de l'Endurance, abandonné à Elephant Island dans les iles de Shetland du sud.
Après avoir hébergé les cinq plus grandes stations baleinières de la zone antarctique, et avec elles une intensive activité humaine et industrielle ayant endommagé l'environnement, l'Ile de Georgie du Sud connait depuis les dernières années une renaissance. Des programmes de préservation de la vie animale et de l'écologie ont été activement menés afin qu'elle retrouve son état originel. Un vaste programme d’éradication des rats et de désamiantage des anciennes installations baleinières a été mené avec succès. Les phoques, les otaries et les éléphants de mer se sont réappropriés les lieux, petit à petit.
Mais pas les baleines. Bien que les eaux continuent à être très riches en krills, elles ne sont jamais revenues nager aux abords de l'île. Elles ont sans doute la mémoire de ce passé sanglant, où les hommes menaient au harpon des combats de titans contre ces monstres marins, pour ensuite les vider de leur précieuse substance qui allait éclairer les villes d'Europe et d'Amérique du nord.
SOURCE D'INSPIRATION
Terra Australis incognita , « la terre australe inconnue ». Ce terme latin introduit par Aristote dans l'Antiquité et utilisé par le cartographe grec Ptolémée,a longtemps été un continent imaginaire représenté sur les cartes européennes jusqu'au xviiie siècle.
Les explorateurs n'ayant pas encore atteint ces régions éloignées, cette inscription apparaissait dans leurs chroniques pour désigner les terres inhospitalières situées au-delà des zones connues des Européens. Les cartographes ont longtemps entretenus plusieurs mythes autour de ces terres inconnues, qui étaient représentées habitées de dragons et autres créatures fantastiques.
En 1515, le cartographe et cosmographe allemand Johann Schöner réalise une mappemonde détaillée représentant un détroit au sud du continent américain qu'il nomme Brasilia inferior. Cette grande terre reprend les contours de l'Australie mais est placée près de l'espace géographique de l'actuelle Antarctique. Il réalise une nouvelle mappemonde en 1520 qui représente cette fois Terra Australis de part et d'autre du détroit de Magellan, emplacement géographique correspondant mieux au continent antarctique mais qui reste représenté avec les contours de l'Australie, et les dessins d’une végétation de climat plutôt tropical.
Reste à comprendre comment Johann Schöner et les autres géographes européens de ce début du xvie siècle ont eu connaissance de l'existence de cette Terra Australis. Selon les hypothèses de l’auteur britannique Gavin Menzies, ancien commandant de sous-marins dans la Royal Navy, les Chinois auraient été les premiers à découvrir Terra Australis. Au début du xve siècle, sous le règne de l'empereur chinois Ming Yongle, une flotte chinoise importante, commandée par l'amiral Zheng He, aurait contourné le sud du continent africain pour remonter l'Atlantique jusqu'aux Antilles. Une autre partie de l'expédition aurait franchi le détroit de Magellan pour explorer la côte ouest de l'Amérique et une troisième aurait navigué dans les eaux froides de l'Antarctique.
Après plusieurs siècles d'exploitation intensive dans ces mers éloignées par les Européens, c'est le réchauffement climatique et l'accroissement de l'activité touristique qui est en train de dévaster à grande vitesse le continent blanc. Des paquebots de plus en plus nombreux viennent visiter ses côtes, créant une activité humaine sans précédent à laquelle les baleines, otaries, phoques, pinguoins, éléphants de mer et les nombreuses espèces d'oiseaux ne sont pas habitués, et qui perturbent leur environnement. Si l'Antarctique a toujours été une terre hostile pour les humains, il devient au fil du temps, par l'activité intense qu'y exercent ces mêmes humains, un environnement inhospitalier pour la nature elle-même.
LE PROJET
Si ce project d'une grande qualité picturale témoigne de la beauté unique de ces contrées éloignées, la photographie ici n'a pas de visée documentaire. Ces paysages semblent plutôt émaner d'un univers onirique, où l'être est seul devant l'immensité d'une nature encore non conquise. Comme si les créatures fantastiques imaginées par les cartographes du passé étaient en quelque sorte toujours vivantes, à travers ces paysages grandioses qui portent les vestiges de l'histoire.
Le style pictural entretient des affinités avec certains courants de la photographie objective, caractérisée par des compositions très réfléchies, un désir de perfection et des images à la fois très réalistes et esthétiques. L'école de Dusseldorf et les paysages de Thomas Struth ont d'ailleurs été une source d'inspiration pour Jonas Lam, tout comme le courant américain de la photographie pure et plus particulièrement les images du photographe Edward Weston. La monumentalisation du réel des mises en scène en grand format d'Andres Serrano et de Jeff Wall l'ont aussi beaucoup inspiré.
Les paysages de cette série se situent aussi dans la lignée d'un certain Romantisme contemporain. L'attrait marqué pour les déserts, la mer, les champs de glace, les nuages, font partie des grands thèmes de la peinture romantique et sont au coeur du travail photographique de Jonas Lam. Que l'on pense aux paysages du peintre allemand Caspar David Friedrich, avec leurs ruines et leurs arbres tortueux, leurs vastes ciels dramatiques et les épaves de bateaux échoués en mer, comme dans le tableau "la mer de glace". Les vastes étendues de sol et de ciels, baignées dans une luminosité parfois surnaturelle et qui semblent nous absorber, nous rappelent les paysages de ces peintres romantiques anglais des 18è et 19è siècles.
Une certaine idée du sublime est bien présente dans ces photographies : le sublime en tant qu'expérience individuelle confrontée à une nature demesurée, impressionante et grandiose.
Espérons que l'Antarctique, dernier continent à avoir été exploré et cartographié, pourra continuer longtemps à porter ses mystères et à nous faire rêver.